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Action Féminicide

Visibiliser la violence patriarcale

Il y a quelques jours, une tentative de féminicide a eu lieu à Gümligen (BE). Une fois de plus, il est apparu clairement que la violence patriarce n’est pas seulement un concept abstrait, mais une réalité amère – ici, dans nos quartiers, dans notre quotidien. Nous ne voulons plus accepter cette violence, nous ne voulons pas nous taire, mais nous organiser ensemble pour lutter contre elle.

Nous sommes en pensées avec la survivante et lui exprimons notre solidarité. Nous espérons que tu te remettras de cette agression et te souhaitons beaucoup de force. Si tu lis ceci, tu peux contacter à tout moment !

Avec cette banderole, nous voulons aussi toucher les personnes du quartier qui n’ont peut-être pas remarqué ce qui s’est passé dans leur entourage. Nous appelons à ne pas détourner le regard, car la violence patriarcale n’est pas une affaire privée, elle concerne tout le monde. Accrocher une banderole n’est pas un acte symbolique. C’est une tentative de briser la normalisation de la violence patriarcale. De tels attaques n’arrivent pas de nulle part. Elles sont l’expression d’une structure sociale profondément enracinée qui tolère, minimise et souvent rend invisible la violence envers les femmes, les personnes lues comme femmes et les personnes queer.

Il ne suffit pas d’être choqué-ex par cette violence, nous devons agir. La violence patriarcale ne prendra pas fin si nous nous contentons de rejeter la responsabilité sur les personnes concernées ou d’attribuer la faute individuellement sur les auteurs sans remettre en question les structures qui se cachent derrière.

En tant que société, nous devons avoir un rôle actif : écouter, soutenir et agir de manière solidaire.

Luttons collectivement pour un monde dans lequel de tels actes n’ont plus leur place !

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Féminicide

Semaine noire: 1 féminicide, 2 tentatives, 1 féminicide potentiel…

Suisse, nous avons un problème !

Un autre potentiel féminicide à Vouvry (VS) et des tentatives de féminicide à Gümligen (BE) et à Lausanne (VD).

La semaine a été noire. Vendredi dernier (17 janvier), une femme a été grièvement blessée à Gümligen (BE) et hier matin (21 janvier), une autre femme a été blessée à Lausanne. Toutes deux luttent actuellement pour leur vie. Nos pensées sont avec elles, nous leur envoyons beaucoup de force et nous espérons de tout cœur qu’elles survivront. Nous pensons également aux personnes qui les connaissaient et les aimaient.

La semaine dernière, la police cantonale valaisanne a également annoncé le décès d’une femme suite à un traumatisme crânien. Comme souvent, nous n’en savons pas plus que ce que la police a communiqué. Elle s’est blessée dans l’appartement de son partenaire, qui a également appelé les secours. Nous ne savons pas s’il s’agit d’un féminicide. Nous sommes néanmoins en pensée avec elle et ses proches.

Ce qui s’est passé à Vouvry montre à quel point il est difficile de détecter et reporter les féminicides. Souvent, nous devons nous fier aux maigres informations fournies par la police et les médias. Les personnes qui lisent régulièrement nos textes savent à quel point nous sommes critiques envers la police. Nous ne voulons pas non plus devenir des juges, mais combattons l’idée profondément patriarcale des tribunaux et de la punition. Mais en même temps, il est extrêmement important que nous soyons informéexs des circonstances d’un décès. C’est la seule façon pour nous tous de faire en sorte que la violence envers les femmes et les personnes trans/non-binaires ne reste pas invisible. N’hésitez pas à nous écrire ou à écrire aux groupes féministes locaux si vous connaissiez les personnes concernées par ces actes de violence !

Le peu que nous savons de la tentative de féminicide à Lausanne est que deux autres personnes ont été blessées alors qu’elles aidaient la femme attaquée. Cela ne doit pas nous faire peur, mais montre à quel point il est important de ne pas détourner le regard et d’intervenir. L’endroit où l’agression a eu lieu se trouve à proximité d’un foyer pour femmes. Cela met en évidence un autre problème : en Suisse, il y a beaucoup trop peu de maisons d’accueil pour femmes. Les personnes qui souhaitent se séparer ou s’éloigner d’une personne violente n’ont souvent même pas de place dans une maison. S’il y a une place, on sait tout de suite dans quelle maison, car il n’y en a qu’une par ville ou par région. Il faut plus de places, il faut un soutien financier, il faut des logements secrets, tout de suite !!

Malgré ces nouvelles, nous ne nous laissons pas décourager. A Bienne, nous étions nombreusexs à réagir au féminicide de jeudi dernier. Nous sommes de plus en plus nombreusexs, nous devenons de plus en plus fortexs et un jour, nous déracinerons le patriarcat et il n’y aura plus de féminicides à pleurer !

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Action Communiqué Féminicide

Rassemblement à Bienne après le 1er féminicide en 2025

Prise de parole pendant le rassemblement
Lorsque j’ai appris hier qu’encore une fois une sœur a été assassinée, j’ai été submergée de tristesse. Je me suis sentie paralysée, dépassée, perdue… Ma tête était envahie de pensées… A chaque féminicide, je me demande « Comment cela peut-il arriver – encore et encore ? Quelle absence de valeur ont nos vies ? »
Dans cette tristesse, j’ai aussi trouvé ma colère et les réponses à ces questions que nous connaissons probablement touxtes. Nous vivons dans un système qui dévalorise nos vies. Dès notre plus jeune âge, on apprend que nos voix n’ont pas de poids, que nos corps appartiennent aux autres, que « l’amour fait mal », que la violence est un acte d’amour, qu’une femme assassinée ne mérite pas que des voix s’élèvent.

Les journaux parlent de « dispute conjugale qui dégénère », les hommes – auteurs de violences – sont acquittés sous prétexte qu’ils auraient agi par désespoir ou sous le coup de l’émotion, sans savoir ce qu’ils faisaient. Le système et ceux qui ont le pouvoir ne sont pas de notre côté, car eux aussi exploitent nos corps et ceux de nos sœurs et adelphes.
Quelque chose m’obsède quand je pense à cette femme assassinée. Je ne peux pas m’empêcher de penser que sa mort aurait pu être évitée. La police de Bienne est actuellement connue pour son attitude irresponsable et violente envers les victimes. Les personnes qui appellent lors de violences domestiques attendent plus longtemps les policiers qu’une personne qui appelle pour de simples nuisances sonores. Les femmes qui dénoncent des agressions se voient refuser le droit de lire le procès-verbal et de l’approuver – les policiers trouvant ça « superflu ». Nous ne savons donc pas ce qu’ils écrivent, ni ce qui reste dans leur dossier et nous avons encore moins de chances d’obtenir justice dans ce système.
La police ne nous aide presque jamais, car son système est contre nous et à Bienne, ils nous refusent même la possibilité de punir les multirécidivistes. La police a notre sang sur les mains. Mais nous nous défendrons.
Le patriarcat assassine, mais nous nous voulons vivantes et pas une de moins.
Rassemblons-nous dans la tristesse, transformons notre tristesse en colère et notre colère en résistance. Ensemble, nous avons de la force.
Aux personnes qui doutent de l’importance de se rassembler alors qu’on a pour l’instant pas de preuves qu’il s’agisse d’un fémincide, on voudrait répondre qu’au vu de la manière de communiquer de la police, tout porte à croire qu’il s’agit d’une mort violente. Selon les statistiques en Suisse la majorité des meurtres de femmes sont des féminicides et cela n’est prouvé que plus tard via une enquête. Ce timing provoque une certaine invibilisation des féminicides et donc la possibilité de dénoncer publiquement des agissements intolérables. Il est de notre devoir d’empêcher l’oubli et la banalisation de toutes formes de violences faites aux femmes et aux personnes queers et c’est pour ça qu’on était dans la rue hier!
Quand l’unex de nous est touchée, nous sommes toutexs concernées!

https://web.telebielingue.ch/fr/emissions/info/2025-01-20

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Féminicide

1er féminicide de l’année 2025 à Bienne

L’année vient de commencer et on apprend qu’une de nos soeurs à été retrouvée morte dans son appartement à Bienne à la rue des marchandises. On ne connait ni son nom, ni son âge, ni les circonstances exactes de sa mort. Sa voisine raconte aux médias que la police était déjà passée plusieures fois chez elle.
Nous on ne peux s’empêcher d’avoir envie de hurler que cette mort aurait pu être évitée. Les féminicides sont toujours précédés par d’autres formes de violences qui sont trop souvent ignorées ou banalisées. Lutter pour mettre fin aux féminicides c’est lutter contre tout un système qui dévalorise et objectifie les femmes et les personnes queer. Cette lutte on continuera de la mener aussi longtemps qu’il le faudra.

Dans notre imagination, une société féministe dans laquelle on voudrait vivre existe déjà. On commence déjà à la construire, à l’inventer. Et c’est cette perspective qui nous porte et que nous donne la force et la détermination pour lutter.

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International

3 militantes féministes de l’organisation des femmes Zenobia assassinées à Menbij.

Leur courage et leur détermination à lutter pour les droits des femmes ne sera pas oublié !
Qamar, Aisha et Iman ont été assassinées à Menbij le 10 décembre par des Djihadistes opérant pour le compte de la Turquie.
Zenobia écrit «Elles étaient des camarades qui donnaient un exemple vivant de sacrifice, de détermination et de courage dans la lutte pour la dignité et la liberté des femmes et de toute la société. » Zenobia est la principale organisation qui milite pour les droits des femmes dans les régions à majorité arabe du Nord et Est de la Syrie.
Alors que l’offensive dirigée par Hayat Tahrir al-Sham (HTS) à permis de renverser le régime d’Assad, la Turquie profite du chaos pour attaquer le Rojava via son proxy de l’Armée Nationale Syrienne (ANS). Depuis fin novembre, plus de 100’000 personnes ont été forcées à fuir la région de Shehba ou la plupart d’entre elles étaient déjà réfugiées suite à l’occupation d’Afrin par les forces pro-turques. Erdogan ne cache pas ses ambitions d’occuper toute la région. C’est tout le projet révolutionnaire du Rojava qui est menacé. Kobane, la ville connue a travers le monde pour son combat acharné contre Daech est maintenant directement visée.

La révolution du Rojava c’est l’exemple contemporain qui redonne l’espoir que le patriarcat, même dans ses forces les plus violentes et barbares, peut être combattu. C’est l’exemple de la force immense qui réside dans l’organisation des femmes.
Zenobia incarne cette force et cette détermination. En annonçant la mort de ses 3 militantes, elle écrit: ”Le martyre de nos camarades est une preuve évidente de la cruauté de l’agression turque, mais malgré cela, nous sommes plus déterminés que jamais à redoubler d’efforts et à renforcer notre combat face à cette agression. Nous suivrons les traces de nos camarades tombées et poursuivrons notre lutte jusqu’à ce que nous ayons atteint nos objectifs. Nous n’oublierons pas leur sacrifice et nous travaillerons dur pour réaliser leurs espoirs et leurs objectifs. Nous continuerons à porter haut le drapeau de la résistance et à prouver au monde entier que nous ne nous mettrons pas à genoux et que nous ne serons pas vaincues. Nos braves camarades ont planté des graines d’espoir dans nos cœurs et nous les cultiverons jusqu’à ce qu’elles grandissent et portent leurs fruits. Le sang des martyrs ne sera pas vain et nous continuerons notre résistance jusqu’à ce que notre pays soit libéré et que justice soit faite”
Pour Qamar, pour Aisha et pour Iman, nous continuerons à lutter contre le système patriarcal et ses guerres, contre les forces impérialistes qui mettent la Mésopotamie à feu et a sang.
Nous appelons toutes les féministes à rejoindre les mobilisations organisées notamment par la communauté kurde en Suisse afin de défendre les acquis de la révolution du Rojava.

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Féminicide

18e et 19e féminicides en Suisse en 2024


Le 27 novembre 2024, une femme de 94 ans est décédée à Bâle parce que son fils avait refusé d’aller chercher de l’aide alors qu’elle était gravement malade.


Le 3 décembre 2024, une femme de 61 ans a été assassinée par son mari à Renens (VD).


Une génération et une frontière linguistique séparent les deux femmes, mais toutes deux ont été arrachées à la vie parce que des hommes de leur entourage avaient décidé qu’elles ne pouvaient plus vivre. Dans un cas, le fils n’a pas permis à ses frères et sœurs d’envoyer un médecin ou une ambulance. Il a laissé sa mère agoniser pendant plusieurs jours et quand les secours sont finalement arrivés, il les a empêchés d’entrer dans l’appartement.
Dans l’autre cas, le mari a prévenu les secours expliquant que sa femme était inanimée avant d’avouer son implication dans le meurtre.
Deux autres femmes qui ne rient plus, ne pleurent plus, ne rêvent plus et ne peuvent plus se demander ce que le lendemain leur réserve. Deux autres cercles d’amiexs et familles en deuil. Nous sommes en pensée avec eux et leur souhaitons beaucoup de force.
L’année touche à sa fin et déjà d’innombrables femmes, personnes trans et non-binaires ont perdu la vie en raison de la violence patriarcale en Suisse. En 2023, plus de la moitié des meurtres commis en Suisse étaient des féminicides. Cette année ne sera pas différente. Ce qui est choquant, ce n’est pas seulement le nombre de meurtres de sang froid (car il s’agit rarement d’actes dans l’affect), ce qui est choquant, ce n’est pas seulement le mode opératoire souvent brutal (le fils de la femme décédée à Bâle l’a regardée mourir) – ce qui est également choquant, c’est qu’il n’y ait pas eu de tollé plus important !
Nous sommes tristes pour chaque féminicide qui n’a pas pu être évité en 2024. Mais cela ne nous décourage pas ! Cette année, nous n’avons pas seulement pleuré des sœurs et adelphes décédéexs, nous nous sommes aussi davantage mis en réseau, nous avons atteint plus de personnes, nous sommes devenus plus fortexs. Chaque larme que nous devons verser pour une personne décédée par féminicide se transforme en colère et en force. Nous continuons à nous battre pour que ce meurtre de masse prenne fin. Ensemble, nous déracinerons et renverserons le patriarcat afin de pouvoir dire un jour : Pas une sœur, pas unex adelphe de moins, ni un@ menos !

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Féminicide

17e féminicide en Suisse en 2024

Une femme de 65 ans a été tuée le 26 novembre à Morbio Inferiore (TI).

Il s’agit du 17e féminicide en Suisse en 2024.

Un jour seulement après la Jjournée internationale de lutte contre la violence patriarcale, une femme a été tragiquement arrachée à la vie par la violence patriarcale à Morbio Inferiore. Nos pensées vont à elle et à toutes les personnes qui l’aimaient et qui doivent maintenant faire face à cette perte.

 Les médias rapportent que le voisinage de Morbio Inferiore est choqué, car l’acte a eu lieu dans un quartier « calme et normal ». Mais c’est justement là que réside le problème : la violence patriarcale a lieu partout, indépendamment des contextes sociaux, économiques ou géographiques. Elle est profondément inscrite dans notre société et son omniprésence fait qu’elle est souvent invisibilisée ou décrite comme un « cas isolé ».

Cet acte nous rappelle douloureusement que le patriarcat ne se repose jamais. Derrière chaque statistique et chaque nouvelle concernant un féminicide se cache une personne dont la vie a été détruite par la violence – une vie que nous ne devons jamais oublier.

Mais alors que nous pleurons celle qui a été tuée, nous ne devons pas perdre espoir.

Nous devons reconnaître qu’aucun quartier, aucun foyer, aucun environnement n’est automatiquement épargné par la violence patriarcale. Tant que nous ne briserons pas ces structures, la violence ne restera pas l’exception, mais un élément normalisé de notre société.

Ensemble, nous pouvons créer une société dans laquelle la violence patriarcale n’a plus sa place. Chacunex d’entre nous peut faire partie de la résistance.

Continuons à nous battre, à nous organiser et à rester solidaires.

Pour une vie sans violence !

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Événement

✊Journée internationale de lutte contre la violence patriarcale✊

❤Manifestation pour le 25 novembre❤️‍🔥

Jusqu’à présent, 18 femmes ont été assassinées en Suisse en 2024. 18 dont nous savons qu’elles ont eu lieu. Les féminicides sont minimisés et légitimés par les médias bourgeois et la justice, bien qu’une femme soit victime d’un féminicide toutes les deux semaines.

Par féminicide, nous entendons les meurtres de femmes et de jeunes filles pour des motifs misogynes.
Cela concerne également les personnes féminisées, c’est-à-dire les personnes qui sont socialement forcées dans la catégorie des femmes, bien qu’elles s’identifient à un autre sexe, par exemple comme non-binaires ou trans.

Dans le monde entier, les personnes sexisées sont chassées par les fascistes, exploitées par le capitalisme et assassinées par le racisme et le patriarcat. Ils veulent protéger les rapports de force existants et continuer à renforcer leurs privilèges.

Collectivement, nous nous organisons contre cette violence patriarcale multiple et nous nous solidarisons avec les luttes féministes dans le monde entier. Nous nommons ces injustices qui mettent notre vie en danger et nous luttons collectivement pour un monde sans masculinité toxique, sans violence sexualisée et sans féminicide.

Le 25 novembre, nous rendrons hommage aux personnes assassinées, aux survivantexs et à cellexs qui restent, sur la place Ni-Una-Menos (anciennement Helvetiaplatz) à 19h00.

La nuit sera longue ✊❤️‍🔥.

Colère collective et concentrée contre la violence patriarcale !
Nous nous voulons vivantexs !
Ni una menos !

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International

Echos d’un soulèvement révolutionnaire en Iran

On propose le résumé d’un podcast ou Chowra Makaremi, une chercheuse française d’origine iranienne, explique comment le soulèvement Jin Jiyan Azadî a fait vaciller les piliers du régime iranien. Elle nous éclaire notamment sur comment la solidarité et l’empathie ont remplacé le sentiment d’indifférence au sein de la société. Son analyse sur l’ancrage de la protestation dans la puissance du deuil et comment la demande de justice pour les personnes assassinée s’est étendue des seules familles directement concernées à toute la population nous donne des éléments de réflexion pour notre campagne contre les féminicides.

  • Est-ce que la lutte contre les féminicides bouscule les piliers du gouvernement suisse ?
  • Qu’est-ce qui fait que des dizaines de féminicides aient lieu chaque année dans l’indifférence ?
  • Comment cultiver l’espoir comme une pratique de lutte ?

Autant de questions que Chowra Makaremi nous propose de réfléchir.

Le 16 septembre 2022 l’étudiante iranienne d’origine kurde Mahsa Jina Amini meurt en garde à vue après avoir été arrêtée par la police pour avoir mal porté son voile. Le jour même le pays s’embrase et au cours des manifestations, plusieurs femmes enlèvent leur voile et défilent en scandant notamment “femme,vie, liberté”, inspiré du slogan féministe kurde “Jin Jiyan Azadî”. Les manifestations gagnent l’ensemble du pays et donnent à voir une rare solidarité entre les différentes ethnies ainsi qu’entre les hommes et les femmes. Ce mouvement d’une ampleur inédite dans l’histoire du régime des Molahs pose une vieille question de philosophie politique, celle de la possibilité du soulèvement, de la désobéissance et de la Révolution.

Chowra Makaremi est anthropologue, chercheuse au CNRS et spécialiste de la violence d’État. Dans son livre « Femme Vie Liberté », elle tient la chronique à distance de cette insurrection. Même si les grosses manifestations ont fini par s’arrêter et que le gouvernement a tenu, pour elle on a bien eu affaire à un soulèvement de nature révolutionnaire qui s’est attaqué frontalement à plusieurs piliers de la République islamique qui est en place depuis la révolution de 1979.

  • Quand est-ce qu’un peuple cesse de croire en la voie électorale pour changer les choses ?
  • Qu’est-ce qui fait qu’un régime tient ou ne tient plus ?
  • A quoi tient une révolution?

Le soulèvement qui a commencé en 2022 en Iran a des dimensions révolutionnaires parce que il rassemble toutes les franges de la population, qu’il prend place partout dans le pays en même temps et qu’il demande un renversement du régime. Le mouvement femme vie liberté a franchi les lignes rouges du régime, en mettant au centre du débat certains sujets dont il ne faut pas parler, qu’on ne peut pas négocier. Ces lignes rouges ont été tracées par un régime de terreur qui normalise la violence et conduit ainsi à son déni. La question du voile obligatoire est une de ces lignes rouges, qui a pendant longtemps fait l’objet de tentatives de négociations sans être jamais remis en question. Dans les années 2000-2010, les féministes iraniennes qui étaient déjà extrêmement actives et très bien organisées ont mené des luttes pour obtenir des réformes absolument essentielles telles que les droits civils, les questions d’héritage ou le droit de faire du sport. Leur stratégie était de négocier ce qui pouvait l’être sans remettre en question les fondamentaux du régime.

En 2022, quand les femmes descendent dans la rue, qu’elles enlèvent leur voile et le brûlent, elles transforment les frontières de l’espace public en barricades. Ce soulèvement est révolutionnaire car il fait vaciller les piliers du régime, ce que lui permet de maintenir son hégémonie, d’assurer un pouvoir qui ne fonctionne pas uniquement par la force des kalashnikov mais également par l’adhésion, en créant des statut quo qui sont acceptés par la société civile dans une certaine mesure.

Les 3 piliers qui s’effondrent en 2022 sont le régime d’affect, les valeurs et les modes d’identification collective.

L’identité collective iranienne s’est construite autour d’un récit fondateur présentant le régime des Molahs comme seul héritier légitime de la révolution de 79, avec la célébration des martyres de la révolution de 79 et de la guerre d’Irak. Mais en 2022, l’identité iranienne ne correspond soudainement plus à l’identité de la République islamique. Les supporters iraniens ont sifflé leur équipe nationale dans le stade de football pendant la Coupe du monde au Qatar. Des slogans tels que je me battrai, je mourrai, je libérerai l’Iran sont scandés. L’Iran est soudain perçu comme occupé par une clique d’élites dirigeantes et un divorce s’opère entre le pays réel et la République islamique. Mais ce divorce est relativement récent.

Le soulèvement de 2022 entraîne également un retournement des valeurs où le courage est valorisé au lieu de la prudence. On voit des vidéos circuler ou des jeunes filles crient contre des miliciens qui leur demandent de se re-voiler. Ces formes d’éclats de violence dans la rue auraient été perçus comme de la folie ou de l’hystérie il y a quelques années. De la même façon que certaines formes de militantisme peuvent passer pour de l’extrémisme radical.

Ce changement de système de valeurs permet un changement du régime d’affects qui était basé sur l’indifférence. Cette indifférence qui va de pair avec l’individualisme et l’atomisation de la société empêchait de ressentir de l’empathie pour les autres. Cette indifférence est une construction sociale qui est un élément clé qui permet au régime de maintenir son hégémonie. Il s’agit de la même indifférence qui fait qu’on puisse passer à coté de personnes qui vivent dans la rue par des températures en dessous de zéro et qu’on puisse accepter cet état de fait. Il faut tout un ordre social pour permettre que cela se produise. De la même façon en Iran, les familles de prisonnièr-es politiques étaient appelées dans un parc de loisir qui s’appelait le Luna Parc pour recevoir des nouvelles de leurs proches. J’ai vécu cela quand j’étais petite et que ma mère était détenue dans la prison d’Evin. Dans cet espace extrêmement violent, où des mères à qui on annonçait l’exécution de leurs enfants s’effondraient et étaient violemment évacuées par les gardiens, des personnes mangeaient des glaces et des barbes à papa en s’amusant. Des années plus tard en y rependant je me dis que c’est complètement fou. Pour manufacturer cette indifférence, la violence d’État joue un rôle fondamental. Paradoxalement, le fait qu’aient lieu  de nombreuses exécutions publiques avec une mise en scène publique, ça fait qu’on s’y habitue. Ça devient quelque chose de l’ordre du quotidien mais aussi de l’ordre du spectacle qui permet d’indiquer à la population quel est le niveau auquel on se situe. La question du seuil de tolérance est importante dans un pays comme l‘Iran ou la peine de mort existe non seulement pour la vente de de la drogue, mais également pour la simple possession de stupéfiants. Et le fait qu’énormément de jeunes hommes soient exécutés pour des questions de drogue ça augmente le seuil de sensibilité à la violence. Cela permet d’exercer une plus grande violence politique. Mais en 2022, le repli dans l’indifférence n’a pas eu lieu et la mort de Mahsa Jina Amini a signé le retour de l’empathie et de la solidarité. Des formes de contestations utilisées jusque là uniquement par les militant-es et les familles de prisonnièr-es politiques telles que le fait de demander justice pour les mort-es se sont étendues à toute la société civile. La contestation contre le pouvoir s’est ancrée dans le deuil avec une façon de se montrer extrêmement solidaire et empathique. C’est dans les émotions ressenties face à l’injustice de la mort de Mahsa Jina Amini que c’est ancrée la mobilisation qui a embrasé le pays en quelques jours. La population a cessé de se détourner des familles des personnes exécutées, de se détourner d’elles comme ça avait été le cas dans les années 80, ce dont ma famille a fait l’expérience. Le soulèvement Jin Jiyan Azadî a fait plus de 500 mort-es mais malgré cette répression, malgré le risque de se faire arrêter, torturer et condamner à mort, les iraniens et les iraniennes ont continué à protester. Cette empathie retrouvée s’est étendue au delà des seules familles des victimes et a constitué le moteur affectif de la révolte.

Quand on me demande si le soulèvement a des chances de renverser le pouvoir je me dis qu’on est au cœur d’un malentendu politique et philosophique.

On a pas besoin de bonnes raison d’être optimiste parce que la question du courage politique s’articule dans l’espoir. Quand on court pour avoir son bus on n’est pas tout le temps en train d’évaluer si on l’aura ou pas, on court parce qu’on veut l’avoir. De la même façon quand le peuple ukrainien à fait face à une invasions totale de la Russie, il n’a pas évalué ses chances de réussite car il était question de se mettre dans une résistance de survie. Le problème c’est qu’ici on a perdu la pratique de l’espoir comme une pratique de lutte, une pratique collective. Le courage c’est quelque chose avec lequel on se met en résonance et pas quelque chose qu’on applaudit de l’extérieur en évaluant ses chances de réussites. On fait face ici a d’énormes défis politiques et sociaux et on n’est pas armé-es collectivement pour leur faire face puisqu’on a perdu toute pratique de l’espoir, toute conception politique de ce à quoi sert le courage.

Si on commence à applaudir les Iraniennes je pense qu’on est perdu-es. Il s’agit au contraire d’apprendre d’elles pour arriver à évaluer comment est-ce que les soulèvements révolutionnaires ré-ouvrent toujours la possibilité de déboulonner des ordres qui semblent indéboulonnables. Parce que c’est comme ça que se construit l’hégémonie, en donnant impression que la fiction du pouvoir c’est la réalité du pouvoir. Le régime en Iran tenait sur des piliers idéologiques qui lui assuraient non seulement l’obéissance, mais aussi l’adhésion du peuple en combinant une politique de violence et de déni de cette violence, en réécrivant l’histoire et en faisant croire à la fiction d’une réforme possible. Le soulèvement de 2022 a disloqué ces piliers et même si les manifestations sont devenues rares la République islamique a définitivement perdu sa légitimité et elle ne se maintient plus que par la force. Elle est donc condamnée tôt ou tard à mourir.

Le podcast à écouter ici :

https://www.arteradio.com/son/61685349/quoi_tient_une_revolution

Et son livre : « Femme ! Vie ! Liberté ! »  qui identifie les genèses multiples du soulèvement Jin Jiyan Azadî, et tente de saisir le basculement  révolutionnaire irréfutable qu’il représente:

https://www.editionsladecouverte.fr/femme__vie__liberte_-9782348080449

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Action Événement

Manif à Bienne contre les violences patriarcales

Vous avez remarqué des paires de chaussures rouges dans les rues de Bienne? C’est un symbole utilisé a travers le monde pour commémorer les victimes de fémincides. On les a déposées avec un lien vers cet appel à manifester parce-que les féminicides ne sont pas une fatalité et qu’on veut s’organiser pour lutter ensemble contre les violences patriarcales.

Appel à manifester

Le 25 novembre est la journée internationale dédiée à la lutte contre les violences patriarcales. En Suisse, une femme est tuée toutes les deux semaines en raison de son genre. Le nombre de féminicides est sûrement plus élevé mais l’état et les médias font comme si il s’agissait de cas isolés. Pourtant les féminicides sont rendus possibles par tout un système qui normalise les discriminations et les violences sexistes. Pour les personnes sexisées, les violences patriarcales sont une réalité quotidienne épuisante. Parce que notre avis vaut moins que l’avis d’un homme cis, parce qu’on nous touche sans notre consentement, parce que la précarité menstruelle est notre réalité, parce que nos „non“ ne valent rien, parce qu’on est délégitimées si on ne répond pas aux normes de la féminité mais aussi quand on y répond „trop“, parce qu’à compétences égales nous n’avons pas les mêmes opportunités ni les mêmes salaires, parce que tout le monde a des droits sur nos corps, parce que nous n’avons pas de droits sur nos corps, parce que notre travail doit être gratuit, parce que la médecine ne se préoccupe pas de nos corps, parce qu’on est en danger quand on a des relations avec des hommes cis, parce qu’on est en danger dans l’espace public, parce que nos vies ont peu de valeur. 

Ce système patriarcal qui nous étouffe est  fortement lié au système capitaliste qui ne survit qu’en exploitant la majorité de l’humanité pour préserver les intérêts de la classe dominante. Lutter contre ce système c’est lutter aux côté des et pour toutes les personnes qui sont victimes de ces violences et d’autres violences en raison de leur origine. Comme les femmes et queers de Palestine qui subissent un génocide. Le mouvement féministe global est un moteur dans la lutte contre l’exploitation. Aujourd’hui les femmes jouent un rôle historique dans les luttes de libération au Kurdistan, au Soudan ou encore en Iran. Le pouvoir se trouve dans l’organisation collective. On a besoin de se rassembler dans la rage et dans la douceur. Le changement viendra des personnes opprimées car les dominants se confortent dans leur pouvoir et qu’ils ne peuvent et ne veulent pas voir les souffrances des autres. Notre but en tant que féministes est de mettre en lumière ce que les institutions ou groupes dominants ne veulent pas voir et de dénormaliser les violences considérées comme normales.

Rejoins-nous!

  • Le 23 nov: RDV à 12h30 à la gare de Bienne pour aller ensemble en train à la manif nationale à Berne (qui commence à 14h sur la Schützenmatte)
  • Le 25 nov: RDV à 18h30 devant la fontaine de l’Ange à Bienne pour une Marche aux flambeaux.

A propos de la marche aux flambeaux du 25 nov à Bienne

Pourquoi une manif sans hommes cis?

La mixité choisie n’est pas une fin en soi mais elle est un puissant moyen d’émancipation pour des groupes de personnes opprimées. De fait, de nombreux espaces de notre société sont accaparés par les hommes cis. On veut reprendre l’espace et se renforcer ensembles. Les hommes cis peuvent et doivent s’engager contre les violences patriarcales, ils en ont l’occasion au quotidien.

Pourquoi une manif sans demande d’autorisation?

Parce qu’on refuse de suivre les règles des institutions répressives qui protègent le patriarcat. Aller dans la rue, se rassembler, donner notre avis c’est notre droit. On prend le droit résister afin de défendre nos existences et celles de toutes les autres personnes opprimées. 

Ensemble nous avons de la force ! Come together and fight <3 avec Amour et Rage <3