14. julliet, suisse, comité « Justice pour Jamilia – Justice pour toutexs »
Dans la nuit du 23 au 24 avril 2022, Jamilia, une femme ayant fui l’Afghanistan et mère de cinq enfants, a été poignardée par son mari dans le centre d’hébergement de Büren an der Aare, un centre géré par la Croix-Rouge suisse dans le canton de Berne. Plusieurs habitant·es du centre ont réagit et ont pu sauver les enfants de la petite chambre dans laquelle toute la famille devait dormir. Pour Jamilia, toute aide est malheureusement arrivée trop tard, bien que les habitant·es aient immédiatement appelé les secours.
1) Structures patriarcales du système d’asile
La violence de l’homme était déjà connue. Jamilia avait contacté la direction de l’hébergement à ce sujet. Bien que les responsables de l’hébergement étaient au courant que l’homme usait de violence contre Jamilia et contre les enfants, ils n’ont rien fait. Aucune mesure n’a été prise pour les protéger et toute la famille a dû continuer à partager une même et unique pièce. Jamilia n’a pas été prise au sérieux et sa vie n’a pas été protégée. La nuit du meurtre, les résident·es ont pris l’initiative d’intervenir. Mais depuis cette nuit-là, ils n’ont plus été informés de la situation, ni de l’endroit où se trouve l’homme, ni de ce qui est arrivé aux enfants qu’ils ont sauvés, ni de quoi que ce soit d’autre sur la situation.
Cet incident n’est pas un cas isolé. Il y a un manque de formation des employées et des responsables des centres d’hébergements sur la gestion de la violence patriarcale. Il n’existe aucun service d’alerte en cas de comportement sexiste ou patriarcal des employé·es. Il n’existe pas d’offres de protection ni de soutien spécifiques destiné aux femmes dans les centres d’hébergements. Par ailleurs, les informations sur les centres de conseil et les offres de soutien externes sont largement insuffisantes.
Nous demandons:
- Quelles démarches ont été entreprises dès lors qu’on a appris que l’homme était violent ?
- Quels sont les processus mis en place en cas de violence patriarcale dans un centre d’hébergement?
- Dans quelle mesure les employé·es sont-ils formé·es pour faire face à de telles situations ?
- Pourquoi toute la famille a-t-elle dû continuer à être logée dans la même chambre, pourquoi la femme et les enfants n’ont-ils pas été protégé·es ?
- Quelles mesures sont prises pour que ce soit le dernier féminicide dans un centre d’hébergement?
- Pourquoi les résident·es n’ont-ils/elles pas été davantage informé·es ?
Nous exigeons:
- La mise à disposition immédiate d’informations sur les offres de soutien externes et les points de contact en cas de violence patriarcale dans tous les centres d’hébergement et dans différentes langues.
- Que soit mis en place un travail d’information systématique et régulier par des services spécialisés tels que Lantana, FIZ ou Brava.
- L’élaboration d’un guide et de procédures en cas de violence patriarcale et de féminicides.
- Que des informations sur le thème de la violence patriarcale soient disponibles dans les centres d’hébergements (au moins des affiches en différentes langues et des contacts avec des services spécialisés). Le matériel devrait être élaboré en concertation avec un service spécialisé.
- La mise en place d’un bureau d’information externe pour les plaintes contre la direction des centres d’hébergements ou les employé·es.
- Que la société civile (par ex. le groupe « Stop Isolation »), ait accès aux camps d’hébergements.
Les points ci-dessus devraient être des conditions préalables à l’octroi de tout mandats de travail avec des personnes réfugiées (ORS, Croix-Rouge, etc.)
2) Manquements de la police et des services d’urgence
Les résident·es ont immédiatement appelé le numéro d’urgence. Pourtant la police a mis plus de 20 minutes pour arriver et l’ambulance presque 45 minutes. A l’arrivée de la police, les premiers soins ont été prodigués, mais la mort de Jamilia n’a pas pu être évitée. La police a fait preuve d’insensibilité en emmenant l’homme et laissant les enfants être pris en charge par les résident·es. L’homme a été emmené sans menottes et la police lui a donné l’opportunité d’expliquer son acte odieux en proférant des insultes contre Jamilia. La police a donné l’impression d’être compréhensive à son égard.
Le matin même, les personnes qui étaient entrées dans la chambre de Jamilia pour lui porter secours ont été interrogées au poste de police et certaines ont dû se soumettre à des prélèvements d’échantillons d’ADN. La police ne s’est pas souciée d’organiser des traductions. Au contraire, elle s’est comportée de manière irrespectueuse et raciste envers les habitant·es en raison de leur manque de connaissances en allemand. Plus tard, une personne de ‘Stop Isolation’ qui s’est rendue au camp pour soutenir les résident·es a pu assurer une traduction pour une partie d’entre elles.
Le comportement de la police et le retard de son intervention sont des problèmes structurels connus. Régulièrement, les personnes hébergées dans les centres ne sont pas prises au sérieux, elles subissent un manque de respect, des contrôles racistes ou encore l’inversion des rôles entre victime et bourreau.
Nous demandons :
- Pourquoi la police et l’ambulance ont-elles mis autant de temps à se rendre sur les lieux alors qu’il s’agissait d’une urgence?
- Pourquoi la police n’organise-t-elle pas des traductions, en particulier dans une situation aussi traumatisante et extrême?
- Pourquoi les habitant·es qui ont sauvé les enfants et qui étaient les seules personnes à réagir dans cette situation ont-ils/elles été traité·es avec un tel manque de respect?
- Pourquoi la déclaration de la victime par la police auprès du service d’aide aux victimes a-t-elle été retardée de plusieurs jours, voire plusieurs semaines, ce qui a rendu très difficile une prise en charge et un accompagnement compétents pour les enfants?
- Que fait-on contre les comportements racistes et sexistes au sein de la police ?
- Que fait-on concernant le fait que les cas d’urgences des résident·es des centres d’hébergements ne sont pas pris au sérieux ?
La politique d’asile suisse est fondamentalement méprisante et raciste. Elle expose les personnes, en particulier les femmes, les personnes trans et queer, à des situations violentes. Elle ne protège pas les personnes ayant subi des violences, les motifs de fuite spécifiques au genre étant à peine reconnus. Alors que des problèmes structurels énormes existent dans le système d’asile, on continue d’économiser et de faire du profit sur le dos des personnes réfugiées et migrantes. Cette politique doit prendre fin. Des changements fondamentaux et un changement de mentalité sont nécessaires. Les revendications contenues dans ce texte ne sont qu’un petit pas, mais celui-ci est urgent et doit être mis en œuvre immédiatement afin de prévenir autant que possible d’autres féminicides et situations de violence.
Arin Mirkan Frauen Komission – Biel
Berjîn Zenda Frauenrat Bern
Brava
Cabbak
Collectif femmes* Valais
cfd – die feministische Friedensorganisation
Droit de rester Neuchâtel
Fédération Libertaire des Montagnes
Feministisches Kollektiv Thun-Berner Oberland
feministischer Streik Bern
feministischer Streik Schaffhausen
feministischer Streik Zürich
Frauen*raum Reitschule Bern
Grève féministe Biel-Bienne
Grève féministe Yverdon
Kleinstadt Freund*innen Solothurn
Lastesis Interventionsgruppe Bern
L’AMAR
Marche Mondiale des Femmes – Suisse
Migrantifa Base
lMigrant Solidarity Network
Mosaïk Bienne
Ni Una Menos Basel
Ni Una Menos Luzern
Ni Una Menos Zürich
Offensiv gegen Feminizide – Offensive contre les féminicides
Rosara – Frauenzentrum
Stop Isolation
YJK-S Union der kurdischen Frauen Schweiz
Zora Schweiz
16 jours contre la violence faite aux femmes* – Biel/Bienne