En novembre 2022, le Conseil-exécutif du canton de Berne a adopté la stratégie cantonale d’aide aux victimes 2023-2033. Dès la procédure de consultation, le document stratégique a fait l’objet de critiques massives de la part de services spécialisés. Nous aussi, nous critiquons la stratégie pour les raisons suivantes :
1 Mesures racistes et classistes
Les mesures proposées ne sont pas assez axées sur les besoins des personnes concernées, en mettant plutôt l’accent sur les auteurs∙trices de violence migrant∙es. La stratégie d’aide aux victimes est ainsi détournée au profit d’une politique de migration et d’asile raciste sans renforcer les personnes touchées par la violence. De même, la proposition de réduire l’aide sociale aux agresseurs∙euses comme moyen répressif ne constitue pas une stratégie efficace pour lutter contre la violence patriarcale, mais crée une inégalité de traitement des agresseur∙euses en fonction de leur origine de classe. De plus, dans certains cas, la réduction de l’aide sociale ne punit pas seulement l’auteur∙trice de la violence, mais aussi la personne concernée par la violence, qui peut se trouver dans une relation de dépendance avec l’auteur∙trice.
2 Logique binaire
Toute la stratégie d’aide aux victimes est exclusivement orientée sur les femmes et les filles. De nombreuses personnes touchées par la violence patriarcale sont ainsi rendues invisibles et exclues des offres de protection. Une stratégie d’aide aux victimes devrait inclure toutes les personnes TINFA (TINFA= trans, inter, non-binaire, féminin, agenre). Les personnes trans et les personnes non-binaires sont particulièrement exposées à la discrimination et à la violence dans la société patriarcale et hétéronormative dans laquelle nous vivons – pourtant, la plupart des « lieux de protection » ne leur sont pas accessibles.
3 Suppression de structures de soutien
Une stratégie d’aide aux victimes devrait être orientée sur les personnes concernées : les offres devraient être axées sur leurs besoins et être à bas seuil. La suppression prévue de structures existantes (p. ex. la fermeture du site de l’Oberland bernois, le fait de rendre impossible l’ouverture d’un foyer pour filles) et le manque de volonté d’allouer des fonds suffisants restreignent massivement l’accès à des offres à bas seuil. Et ce, alors que le nombre de personnes concernées n’a cessé d’augmenter au cours des dernières années.
4 Inversion auteur-victime
La stratégie prévoit que les victimes de violence ayant de faibles connaissances de la langue allemande puissent être obligées d’acquérir des « compétences linguistiques ». Il s’agit là d’une inversion classique et discriminatoire des auteur∙trices et des victimes. En revanche, la stratégie omet les éléments les plus importants dans le conseil aux victimes, à savoirs qu’il s’agit de conseiller des personnes traumatisées, ce qui nécessite du temps et une attention particulière, et la nécessité de s’assurer de la sécurité des personnes concernées.
Cette critique concerne spécifiquement la stratégie d’aide aux victimes 2023-2033. Nous estimons important qu’il existe aujourd’hui des offres d’aide fonctionnelles, accessibles et le moins discriminatoires possibles pour les personnes touchées par la violence patriarcale. En outre, nous estimons que des perspectives révolutionnaires et une critique fondamentale de l’État capitaliste et bourgeois sont nécessaires. Car la violence patriarcale se base sur des structures patriarcales ayant également une dimension étatique et institutionnelle. L’État et ses institutions comme la police et le système judiciaire ne garantiront jamais la sécurité de toutes les personnes face à la violence patriarcale et raciste et ne contribueront surtout pas à mettre fin à la violence patriarcale.
Au lieu de compter sur les politicien∙nes, la police, les juges et d’autres complices du patriarcat, nous devons formuler et obtenir par la lutte nos propres solutions et projets de société, basés sur la communauté, l’aide mutuelle, le soutien réciproque et la solidarité.