
Le 13 octobre dernier, nous étions mobiliséexs pour soutenir une survivante de violence patriarcale et dénoncer un procès bâillon. Elle a eu le courage de faire de son procès une tribune pour dénoncer les procès bâillons et de façon générales, les violences du système judiciaire contre les victimes. Elle a été acquitée et c’est une belle victoire qui aura un impact sur le traitement des cas similaires dans le futur.
Notre communiqué de presse:
Quand la victime devient l’accusée : les Collectifs Offensive contre les féminicides et Grève Féministe dénoncent la criminalisation de la parole des survivantes
Le 13 octobre 2025, le Collectif Offensive contre les féminicides ainsi que le collectif Grève Féministe Valais et Neuchâtel se sont rassemblés devant le tribunal de Martigny pour soutenir une survivante de violences conjugales et dénoncer une affaire valaisanne profondément choquante.
Cette femme a subi des violences répétées, jusqu’à être retrouvée dans un état tel que le collectif Offensive contre les féminicides y voit les marques d’une violence extrême qu’il considère comme une tentative de féminicide. Malgré les multiples signaux d’alerte et les interventions policières antérieures, aucune mesure efficace n’avait été prise pour la protéger.
Après ces faits, alors qu’elle avait eu le courage de porter plainte pour cette énième agression, elle a été amenée, à la demande de la police, à signaler d’autres comportements illicites de son agresseur. Deux ans plus tard, c’est pourtant elle qui se retrouve sur le banc des accusés, poursuivie pour dénonciation calomnieuse — pour avoir simplement répondu, lors de son audition policière, aux questions posées par les enquêteurs.
Pendant ce temps, son agresseur a été condamné à quelques mois de prison avec sursis et à une amende dérisoire, une peine sans commune mesure avec la gravité des faits. La survivante, elle, risque une peine bien plus lourde.
Ce renversement des responsabilités interroge profondément la justice et met en lumière un phénomène préoccupant : la multiplication des procès-bâillons, ces procédures intentées contre des victimes dans le but de les intimider, de les faire taire ou de les décourager d’agir.
Comme l’a exprimé la survivante à l’issue de son audience : « Aujourd’hui, c’est moi qu’on juge, pas lui, pas celui qui m’a frappée, insultée et terrorisée. C’est moi, la survivante. »
Ces procédures constituent une double peine : après avoir subi des violences, les victimes doivent encore affronter des démarches judiciaires longues, coûteuses et psychologiquement éprouvantes — au risque d’être elles-mêmes criminalisées. Elles donneraient également aux avocats un terrain de négociation, non connu des juges, pour demander le retrait de la première plainte pour violence.
Les statistiques montrent à quel point le traitement judiciaire des violences patriarcales est inadéquat: en France, seules 14 % des victimes de violences conjugales portent plainte, et plus de 40 % des plaintes sont classées sans suite. En Suisse, moins de 10 % des plaintes déposées pour violences domestiques dans le canton de Vaud aboutissent à un procès. Le manque de suivi systématique et de coordination institutionnelle contribue à rendre invisibles des milliers de femmes victimes chaque année.
Lors de l’audience ce 13 octobre, nous avons été profondément choquées tout d’abord par les propos de l’avocat du plaignant, lui-même brillant par son absence, qui lors de son premier tour de débat, parle de son client comme de la “vraie victime ici”, rappelle que la première affaire n’est “pas grave”, mais qu’une dénonciation calomnieuse est très grave, et que la survivante “n’en est pas à son premier mensonge”, la traitant à plusieurs reprises de menteuse, qualifiant son comportement de haineux et honteux. On marche sur la tête.
Profondément choquées également par les paroles de la Juge suppléante qui, au moment de la prise de parole de la survivante, à la fin des débats, alors que cette dernière avait préparé un discours poignant sur son vécu dans cette affaire, a essayé à plusieurs reprises de la dissuader de le lire, craignant que celà soit trop long ou ne serve pas le cas présent. La survivante et son avocat ont dû insister. Cette pénible démonstration est un superbe exemple supplémentaire de la manière dont les victimes de violences conjugales sont constamment poussées au silence.
A l’issue des débats, justifiant le caractère compliqué de l’affaire, la Juge a décidé de rendre son verdict par écrit, quelques jours plus tard.
Le 20 octobre, nous apprenons son acquittement. C’est une victoire pour nous toutes dans le combat contre les violences patriarcales, et c’est un précédent. Nous espérons sincèrement que les stratégies pour nous faire taire s’étiolent petit à petit.
Les Collectifs Offensive contre les féminicides et Grève Féministe expriment leur solidarité totale envers cette survivante et envers toutes celles qui subissent ces formes d’intimidation judiciaire. Nous exigeons que les autorités valaisannes et les instances judiciaires suisses reconnaissent la gravité des violences sexistes et cessent de tolérer les stratégies de bâillon qui prolongent la souffrance des victimes.
Nous affirmons la légitimité de notre parole et réaffirmons notre engagement : tant que la justice restera sourde, nous continuerons à faire résonner nos voix.


