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Féminicide

16e féminicide en Suisse en 2025

Le 14 juin, une femme a été tuée à Martigny (VS). On ne sait pas avec certitude qui est l’auteur du crime.

Nous avons appris par les médias que la police avait été alertée peu après minuit par une tierce personne. La femme était déjà décédée, son mari, grièvement blessé, se trouve à l’hôpital. La police cantonale valaisanne ne souhaite pas communiquer davantage tant que le déroulement exact des faits n’est pas clarifié.

Pourquoi nous avons néanmoins décidé de considérer le décès de cette femme de 50 ans comme un féminicide :

1. Un féminicide n’est pas toujours lié à une relation (passée)  

Même si les médias le présentent encore souvent ainsi, l’auteur d’un féminicide n’est pas forcément le (ex-)partenaire. Un féminicide est un meurtre rendu possible par la violence structurelle exercée sur les femmes et les personnes perçues comme des femmes. Les féminicides reposent sur des idées patriarcales concernant la manière dont une femme doit se comporter ou qui a le droit de disposer de son corps. Dans certains cas, un féminicide est motivé par une pure haine des femmes. Dans tous les cas, le féminicide est lié au genre (attribué) de la personne tuée.

2. Il ne s’agit pas d’un acte au hasard

Comme dit précédemment, il n’est pas pertinent de savoir si le mari ou une autre personne est responsable du meurtre. Mais la quinquagénaire a été tuée chez elle et la police aurait de toute façon communiqué si elle avait supposé qu’une personne inconnue s’était introduite dans l’appartement ou qu’un vol était à la base du meurtre. Notre sœur décédée connaissait donc le coupable. Une personne de son entourage s’est sentie en droit de lui ôter la vie. Cette ultime prise de possession du corps (vu comme) féminin est pour nous une des définitions du féminicide.

3. Nous renversons la présomption

L’expérience nous a appris que la police (en particulier la police valaisanne) ne rend compte des résultats ultérieurs de l’enquête que dans de rares cas. Les statistiques nous montrent pourtant que lorsque des femmes et des personnes perçues comme des femmes meurent violemment en Suisse, il s’agit majoritairement d’un féminicide. C’est pourquoi, à partir de maintenant, nous renversons la présomption : tant qu’il n’est pas prouvé qu’il ne s’agissait pas d’un féminicide, nous partons du principe qu’il s’agissait d’un féminicide.

Nous avons marre de la manière dont la police et la justice dissimulent des féminicides au nom de la présomption d’innocence ou du respect de la vie privée. Nous n’acceptons plus qu’on nous dise comment et quand pleurer une sœur tuée, ni quels mots utiliser. Le terme « féminicide » a été introduit parce que nous avons besoin d’une définition politique de ces actes qui arrachent à la vie tant de nos sœurs et adelphes. Nous avons besoin de cette définition politique parce que la justice n’est pas de notre côté et ne nous protège pas.

C’est pourquoi nous pleurons notre sœur tuée à Martigny, dont la vie a été anéantie par un féminicide le 14 juin 2025. Nous exprimons nos plus sincères condoléances à ses proches et nous n’oublierons pas sa mort.